Le conseil de Mordek

C’est au sommet des montagnes de l’Ouest, que l’on aimait appeler les « montagnes d’or », qu’eu lieu le conseil ; le premier après la déclaration de guerre à Helewen par Lyah. La salle se situait au sommet d’une des deux immenses tours que les Nains des montagnes avaient baptit pendant plusieurs siècles. C’était une salle ni trop grande, ni trop petite ; mais fort bien aménagée. Il était agréable de s’asseoir à la grande table, soigneusement positionnée au centre de la pièce. La table était grande et ronde. Cette salle ne servait uniquement qu’aux évènements semblables à celui-ci. D’ailleurs, beaucoup de Nains en ignorait l’existence. Entre ces deux tours se trouvait une immense cour, mais pour y pénétrer, il fallait franchir un portail que seul Mordek, ou l’un de ses meilleurs hommes, pouvait ouvrir. Le portail était immense, tellement, que l’on avait du mal à en voir du mal à en voir le bout. Helewen arriva devant ce portail sur un magnifique cheval blanc. Il était si blanc qu’il semblait dégager de la lumière. Le roi des Elfes n’était plus escorté depuis qu’il franchit les frontières naines : la route n’était pas dangereuse. Soudain, dans un des plus grands silences, le portail s’ouvrit. Helewen s’avança jusqu’au milieu de la grande cour. Le ciel était gris, presque noir. Il pleuvait, sans doute, il semblait y avoir un très gros orage. Mais les Nains du sommet de la montagne étaient à l’abris des intempéries, étant bien au dessus des nuages. La cour était vide et silencieuse : il n’y avait personne. Soudain, un Nain, apparemment bien armé et bien équipé, s’avança vers le roi en courant. Une torche à la main, il releva la tête pour s’adresser à lui : « Suivez moi ».

Le Nain conduit Helewen à la tour qui se trouvait le plus au nord. La porte était presque aussi immense que le portail. Elle s’ouvrit de la même façon que ce dernier. Après l’avoir caressé, Helewen descendit de sa monture.
- Je vais emmener votre cheval aux écuries royales, derrière la tour. Il y sera bien traité en attendant votre retour. Le conseil se déroule à la grande salle. Il faut que vous montiez l’escalier jusqu’au sommet. Vous ne pourrez pas vous tromper, il n’y a qu’une seule porte.
- Merci bien, maître Nain. Suis-je le dernier à arriver ?
- Je ne le sais. Seul notre roi Mordek est au courant de ce qu’il peut se passer dans cette salle.
Helewen commença à monter, tout en restant baissé, afin de ne pas toucher le plafond. La Grande Salle était bien prévue pour accueillir les étrangers de toutes tailles, mais pas l’escalier qui y menait. Alors Helewen arriva devant la grande porte, où le plafond avait regagné une hauteur normale. La porte s’ouvrit comme par magie devant le roi des Elfes, puis la voix de Mordek se fit entendre : « Nous vous attendions. Veuillez prendre place ». Helewen était le dernier à arriver. Il s’assit à le grande table ronde. Devant lui était assit Mordek. A sa gauche se trouvait Balmir, le roi des hommes du Nord, et à sa droite un homme, sans doute important, mais inconnu. Le roi des Nains prit la parole :
- Il est désormais trop dangereux de laisser les plus faibles de nos peuples s’aventurer dans nos plaines et nos déserts. Je m’y suis moi-même rendu avec quelques uns de mes meilleurs soldats pour voir ce qui s’y passait. Les monstres sont là, ils vivent ici. Ce sont des bêtes sauvages qui apprennent à se développer seules. Olyath est devenu plus que dangereux. La paix n’y est plus, nul part.
Le roi du Nord prit la parole.
- Mais est-ce vraiment important de s’y intéresser, avec la terrible guerre qui se prépare ? Lyah est déjà en train de rassembler toutes ses forces, et je me demande ce qu’attends Féréodor pour attaquer mon peuple. Il peut le faire du jour au lendemain !
Alors l’homme mystérieux et inconnu prit la parole.
- Ces monstres ne sont parvenus jusqu’à Olyath seuls et par hasard. Il est très important de s’y intéresser, d’autant plus que la réponse à l’apparition de ces créatures est terrifiante.
Un long silence s’installa. Puis, calme, mais affolé à la fois, Mordek interrogea cet inconnu.
- Alors expliquez nous ce que vous savez sur eux.
- Ces monstres ont été amenés ici par le seigneur des ténèbres. L’ancien magicien noir d’Olyath, celui qui fut bannit pour l’éternité. Le redoutable Arroth.
Helewen fit tomber sa chaise en se levant brutalement. Il frappa de ses deux mains sur la table tellement fort qu’un écho se fit entendre.
- Le vieux mage noir devrait être mort depuis tout ce temps ! Lorsqu’il fut bannit, il n’y avait même pas encore d’humains sur Olyath, ni même de Yamirs ! Les terres étaient séparées en deux, l’Est était aux Elfes et l’Ouest aux Nains. Il n’y avait même pas encore d’alliance entre les deux peuples. Cela remonte à si longtemps. Arroth ne peut plus être en vie, il n’avait rien d’un être surnaturel.
- Il l'est. Ou du moins, il l'est devenu. Comme vous le savez, le mal a toujours été en Arroth, sa propre famille le rejettait. Lorsqu'il fut bannit la mort ne voulait même pas de lui. Les ténèbres commencèrent à le ronger, et en firent une créature bien plus maléfique que celui que vous avez connu sur Olyath. Mais il savait, il savait tout. Il était au courant des moindres choses qu'il se passait ici. Il préparait d'ailleurs son plan depuis longtemps, sans même que vous en aperceviez, au centre d'Olyath.
- Les Yamirs...
- Tout à fait. Il fit don de la magie pyrotechnique[X] à une bonne partie du peuple humain. Ces derniers se sont immédiatement considérés comme supérieurs, la jalousie devait bien prendre le dessus un jour.
- Est-il aussi la cause de la jalousie des Elfes du Sud ?
-Non. Les elfes du Sud l'ont toujours été, et lorsque Tyah régnait, cette jalousie se faisait oublier. Mais Arroth est bien responsable de l'arrivée de Lyah au pouvoir. Il réussit à communiquer avec elle, à réveiller sa seconde personnalité, la noire, la méléfique... Elle emprisonna sa mère au diner fêtant ses 650 année de pouvoir. Étant sa fille unique, elle alla obligatoirement au pouvoir.
- Arroth serait l'unique déclencheur de cette immense guerre ? Comment peut-il faire autant alors qu'il ne vit plus ici..
- La magie noire a beau être maléfique, elle est l'un des plus puissantes. S'il existait plusieurs mages, comme lui, la fin du monde arriverait vite. Arroth ne fait qu'attendre que Lyah et Féréodor nous attaque. Il est lui même en train de former une armée bien plus importante que celles de vos deux ennemis réunis. Il attends le bon moment. Mais lorsqu'il frappera, nous n'aurons qu'une très faible chance.
Et plus personne ne parla. Tous avaient le regard baissé, c'était bien plus que ce qu'ils imaginaient. Alors Mordek se leva, et dit à voix basse :
- Le conseil est terminé.
Tout le monde se leva, Helewen en dernier. Mais avant que tout le monde ne parte, il posa une dernière question.
- Qui êtes-vous ?
L'inconnu se retourna vers le roi des Elfes, qui allait plus loin dans sa question.
- Comment êtes-vous au courant de tout cela ?
Après un soupir, il se décida à répondre.
- Je me nomme Aramil. Je ne peux me prétendre roi, mais je suis l'homme qui dirige les demi-elfes arrivés par l'Est dans le but de combattre avec vous. Ma mère était une elfe, et mon père un homme. J'étais encore enfant lorsque mon père quitta ma mère pour une autre femme. Puis, il eut un enfant avec elle, mon demi-frère. Il l'avaient appelé Arroth...
- Alors Arroth n'a pas grandit sur Olyath.
- Il est vrai qu'il vient du même endroit que moi. Mais après avoir atteint un certain âge, il fut méprisé par tout son entourage, sans exceptions. Ne me demandez pas pourquoi. Alors il décida de partir, le plus loin possible. Il arriva alors par hasard sur Olyath. Son esprit n'était plus que but de vengeance, et Olyath n'est que sa première cible. Il compte bien attaquer de la même façon mon continent natal, et j'ignore même s'il a commencé. Je suis bien décidé à l'arrêter. Mon peuple et moi nous installeront au Nord-Ouest, si vous n'y voyez pas d'inconvénients.
Puis, il partit sans dire un mot de plus. Alors, dans le plus grand des silences, chacun regagna sa monture et repartit d'où il venait. Mordek, lui, regagna sa seconde tour, qui était en fait sa demeure royale.